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| 5. Panique
Dijon... Mâcon... Lyon... Certainement, là-haut, au-dessus de ma tête, il ne dort pas... Je l’ai appelé tout doucement et il ne m’a pas répondu... Mais je mettrais ma main au feu qu’il ne dort pas !... À quoi songe-t-il ?... Comme il est calme ! Qu’est-ce donc qui peut bien lui donner un calme pareil ?... Je le vois encore, dans le parloir, se levant soudain, en disant : « Allons-nous-en ! » et cela d’une voix si posée, si tranquille, si résolue... Allons-nous-en vers qui ? Vers quoi avait-il résolu d’aller ? Vers elle, évidemment, qui était en danger et qui ne pouvait être sauvée que par lui ; vers elle, qui était sa mère et qui ne le saurait pas ! C’est un secret qui doit rester entre vous et moi ; l’enfant est mort pour tous, excepté pour vous et pour moi ! » C’était cela sa résolution, cette volonté subitement arrêtée de ne rien lui dire. Et lui, le pauvre enfant, qui n’était venu chercher cette certitude que pour avoir le droit de lui parler ! Dans le moment même qu’il savait, il s’astreignait à oublier ; il se condamnait au silence. Petite grande âme héroïque, qui avait compris que la Dame en noir qui avait besoin de son secours ne voudrait pas d’un salut acheté au prix de la lutte du fils contre le père ! Jusqu’où pouvait aller cette lutte ? Jusqu’à quel sanglant conflit ? Il fallait tout prévoir et il fallait avoir les mains libres, n’est-ce pas, Rouletabille, pour défendre la Dame en noir ?... Si calme est Rouletabille que je n’entends pas sa respiration. Je me penche sur lui... il a les yeux ouverts. « Savez-vous à quoi je réfléchis ? me dit-il... À cette dépêche qui nous vient de Bourg et qui est signée Darzac, et à cette autre dépêche qui nous vient de Valence et qui est signée Stangerson. – J’y ai pensé, et cela me semble, en effet, assez bizarre. À Bourg, M. et Mme Darzac ne sont plus avec M. Stangerson, qui les a quittés à Dijon. Du reste, la dépêche le dit bien : « Nous allons rejoindre M. Stangerson. » Or, la dépêche Stangerson prouve que M. Stangerson, qui avait continué directement son chemin vers Marseille, se trouve à nouveau avec les Darzac. Les Darzac auraient donc rejoint M. Stangerson sur la ligne de Marseille ; mais alors il faudrait supposer que le professeur se serait arrêté en route. À quelle occasion ? Il n’en prévoyait aucune. À la gare, il disait : « Moi, je serai à Menton demain matin à dix heures. » Voyez l’heure à laquelle la dépêche a été mise à Valence et constatons sur l’indicateur l’heure à laquelle M. Stangerson devait normalement passer à Valence à moins qu’il ne se soit arrêté en route. » Nous avons consulté l’indicateur. M. Stangerson devait passer à Valence à minuit quarante-quatre et la dépêche portait « minuit quarante-sept », elle avait donc été jetée par les soins de M. Stangerson à Valence, au cours de son voyage normal. À ce moment, il devait donc avoir été rejoint par M. et par Mme Darzac. Toujours l’indicateur en main, nous parvînmes à comprendre le mystère de cette rencontre. M. Stangerson avait quitté les Darzac à Dijon, où ils étaient tous arrivés à six heures vingt-sept du soir. Le professeur avait alors pris le train qui partait de Dijon à sept heures huit et arrivait à Lyon à dix heures quatre et à Valence à minuit quarante-sept. Pendant ce temps les Darzac, quittant Dijon à sept heures, continuaient leur route sur Modane et, par Saint-Amour, arrivaient à Bourg à neuf heures trois du soir, train qui doit repartir normalement de Bourg à neuf heures huit. La dépêche de M. Darzac était partie de Bourg et portait l’indication de dépôt neuf heures vingt-huit. Les Darzac étaient donc restés à Bourg, ayant laissé leur train. On pouvait prévoir aussi le cas où le train aurait eu du retard. En tout cas, nous devions chercher la raison d’être de la dépêche de M. Darzac entre Dijon et Bourg, après le départ de M. Stangerson. On pouvait même préciser entre Louhans et Bourg ; le train s’arrête en effet à Louhans, et si le drame avait eu lieu avant Louhans (où ils étaient arrivés à huit heures), il est probable que M. Darzac eût télégraphié de cette station. Cherchant ensuite la correspondance Bourg-Lyon, nous constatâmes que M. Darzac avait mis sa dépêche à Bourg une minute avant le départ pour Lyon du train de neuf heures vingt-neuf. Or, ce train arrive à Lyon à dix heures trente-trois, alors que le train de M. Stangerson arrivait à Lyon à dix heures trente-quatre. Après le détour par Bourg et leur stationnement à Bourg, M. et Mme Darzac avaient pu, avaient dû rejoindre M. Stangerson à Lyon, où ils étaient une minute avant lui ! Maintenant, quel drame les avait ainsi rejetés de leur route ? Nous ne pouvions que nous livrer aux plus tristes hypothèses qui avaient toutes pour base, hélas ! la réapparition de Larsan. Ce qui nous apparaissait avec une netteté suffisante, c’était la volonté de chacun de nos amis de n’effrayer personne. M. Darzac, de son côté, Mme Darzac, du sien, avaient dû tout faire pour se dissimuler la gravité de la situation. Quant à M. Stangerson, nous pouvions nous demander s’il avait été mis au courant du fait nouveau. Ayant ainsi approximativement démêlé les choses à distance, Rouletabille m’invita à profiter de la luxueuse installation que la compagnie internationale des wagons-lits met à la disposition des voyageurs amis du repos autant que des voyages, et il me montra l’exemple en se livrant à une toilette de nuit aussi méticuleuse que s’il avait pu y procéder dans une chambre d’hôtel. Un quart d’heure après, il ronflait ; mais je ne crus guère à son ronflement. En tout cas, moi, je ne dormis point. À Avignon, Rouletabille sauta de son lit, passa un pantalon, un veston, et courut sur le quai avaler un chocolat bouillant. Moi, je n’avais pas faim. D’Avignon à Marseille, dans notre anxiété, le voyage se passa assez silencieusement ; puis, à la vue de cette ville où il avait mené tout d’abord une existence si bizarre, Rouletabille, sans doute pour réagir contre l’angoisse qui grandissait en nous au fur et à mesure que nous approchions de l’heure à laquelle nous allions « savoir », se remémora quelques anciennes anecdotes qu’il me conta sans paraître du reste y prendre le moindre plaisir. Je n’étais guère à ce qu’il me disait. Ainsi arrivâmes-nous à Toulon. Quel voyage ! Il eût pu être si beau ! À l’ordinaire, c’était avec un enthousiasme toujours nouveau que je revoyais ce pays merveilleux, cette côte d’azur aperçue au réveil comme un coin de paradis après l’horrible départ de Paris, dans la neige, dans la pluie ou dans la boue, dans l’humidité, dans le noir, dans le sale ! Avec quelle joie, le soir, je posais le pied sur les quais du prestigieux P.-L.-M, sûr de retrouver le glorieux ami qui m’attendrait, le lendemain matin, au bout de ces deux rails de fer : le soleil ! À partir de Toulon, notre impatience devint extrême. À Cannes, nous ne fûmes point surpris du tout en apercevant sur le quai de la gare M. Darzac qui nous cherchait. Il avait été certainement touché par la dépêche que Rouletabille lui avait envoyée de Dijon, annonçant l’heure de notre arrivée à Menton. Arrivé lui-même avec Mme Darzac et M. Stangerson, la veille à dix heures du matin, à Menton, il avait dû repartir ce matin même de Menton et venir au-devant de nous jusqu’à Cannes, car nous pensions bien que, d’après sa dépêche, il avait des choses confidentielles à nous dire. Il avait la figure sombre et défaite. En le voyant, nous eûmes peur. « Un malheur ?... interrogea Rouletabille. – Non, pas encore !... répondit-il. – Dieu soit loué ! fit Rouletabille en soupirant, nous arrivons à temps... » M. Darzac dit simplement : « Merci d’être venus ! » Et il nous serra la main en silence, nous entraînant dans notre compartiment, dans lequel il nous enferma, prenant soin de tirer les rideaux, ce qui nous isola complètement. Quand nous fûmes tout à fait chez nous et que le train se fût remis en marche, il parla enfin. Son émotion était telle que sa voix en tremblait. « Eh bien, fit-il, il n’est pas mort ! – Nous nous en sommes bien doutés, interrompit Rouletabille. Mais, en êtes-vous sûr ? – Je l’ai vu comme je vous vois. – Et Mme Darzac aussi l’a vu ? – Hélas ! Mais il faut tout tenter pour qu’elle arrive à croire à quelque illusion ! Je ne tiens pas à ce qu’elle redevienne folle, la malheureuse !... Ah ! mes amis, quelle fatalité nous poursuit !... Qu’est-ce que cet homme est revenu faire autour de nous ?... Que nous veut-il encore ?... » Je regardai Rouletabille. Il était alors encore plus sombre que M. Darzac. Le coup qu’il craignait l’avait frappé. Il en restait affalé dans son coin. Il y eut un silence entre nous trois, puis M. Darzac reprit : « Écoutez ! Il faut que cet homme disparaisse !... Il le faut !... On le joindra, on lui demandera ce qu’il veut... et tout l’argent qu’il voudra, on le lui donnera... ou alors, je le tue ! C’est simple !... Je crois que c’est ce qu’il y a de plus simple !... N’est-ce pas votre avis ?... » Nous ne lui répondîmes point... Il paraissait trop à plaindre. Rouletabille, dominant son émotion par un effort visible, engagea M. Darzac à essayer de se calmer et à nous raconter par le menu tout ce qui s’était passé depuis son départ de Paris. Alors, il nous apprit que l’événement s’était produit à Bourg même, ainsi que nous l’avions pensé. Il faut que l’on sache que deux compartiments du wagon-lit avaient été loués par M. Darzac. Ces deux compartiments étaient reliés entre eux par un cabinet de toilette. Dans l’un on avait mis le sac de voyage et le nécessaire de toilette de Mme Darzac, dans l’autre, les petits bagages. C’est dans ce dernier compartiment que M. et Mme Darzac et le professeur Stangerson firent le voyage de Paris à Dijon. Là, tous trois étaient descendus et avaient dîné au buffet. Ils avaient le temps puisque, arrivés à six heures vingt-sept, M. Stangerson ne quittait Dijon qu’à sept heures huit et les Darzac à sept heures exactement. Le professeur avait fait ses adieux à sa fille et à son gendre sur le quai même de la gare, après le dîner. M. et Mme Darzac étaient montés dans leur compartiment (le compartiment aux petits bagages) et étaient restés à la fenêtre, s’entretenant avec le professeur, jusqu’au départ du train. Celui-ci était déjà en marche, quand le professeur Stangerson, sur le quai, faisait encore des signes amicaux à M. et Mme Darzac. De Dijon à Bourg, ni M. et Mme Darzac ne pénétrèrent dans le compartiment adjacent à celui dans lequel ils se tenaient et dans lequel se trouvait le sac de voyage de Mme Darzac. La portière de ce compartiment, donnant sur le couloir, avait été fermée à Paris, aussitôt le bagage de Mme Darzac déposé. Mais cette portière n’avait été fermée ni extérieurement à clef par l’employé, ni intérieurement au verrou par les Darzac. Le rideau de cette portière avait été tiré intérieurement sur la vitre, par les soins de Mme Darzac, de telle sorte que du corridor on ne pouvait rien voir de ce qui se passait dans le compartiment. Le rideau de la portière de l’autre compartiment où se tenaient les voyageurs n’avait pas été tiré. Tout ceci fut établi par Rouletabille grâce à un questionnaire très serré dans le détail duquel je n’entre point, mais dont je donne le résultat pour établir nettement les conditions extérieures du voyage des Darzac jusqu’à Bourg et de M. Stangerson jusqu’à Dijon. Arrivés à Bourg, les voyageurs apprenaient que, par suite d’un accident survenu sur la ligne de Culoz, le train se trouvait immobilisé pour une heure et demie en gare de Bourg. M. et Mme Darzac étaient alors descendus, s’étaient promenés un instant. M. Darzac, au cours de la conversation qu’il eut alors avec sa femme, s’était rappelé qu’il avait omis d’écrire quelques lettres pressantes avant leur départ. Tous deux étaient entrés au buffet. M. Darzac avait demandé qu’on lui remît ce qu’il fallait pour écrire. Mathilde s’était assise à ses côtés, puis elle s’était levée et avait dit à son mari qu’elle allait se promener devant la gare, faire un petit tour pendant qu’il finirait sa correspondance. « C’est cela, avait répondu M. Darzac. Aussitôt que j’aurai terminé, j’irai vous rejoindre. » Et, maintenant, je laisse la parole à M. Darzac : « J’avais fini d’écrire, nous dit-il, et je me levai pour aller rejoindre Mathilde quand je la vis arriver, affolée, dans le buffet. Aussitôt qu’elle m’aperçut, elle poussa un cri et se jeta dans mes bras. « Oh ! mon Dieu ! disait-elle. Oh ! mon Dieu ! » et elle ne pouvait pas dire autre chose. Elle tremblait horriblement. Je la rassurai, je lui dis qu’elle n’avait rien à craindre puisque j’étais là, et je lui demandai doucement, patiemment, quel avait été l’objet d’une aussi subite terreur. Je la fis asseoir, car elle ne se tenait plus sur ses jambes, et la suppliai de prendre quelque chose, mais elle me dit qu’il lui serait impossible d’absorber pour le moment même une goutte d’eau, et elle claquait des dents. Enfin, elle put parler et elle me raconta, en s’interrompant presque à chaque phrase et en regardant autour d’elle avec épouvante, qu’elle était allée se promener, comme elle me l’avait dit, devant la gare, mais qu’elle n’avait pas osé s’en éloigner, pensant que j’aurais bientôt fini d’écrire. Puis elle était rentrée dans la gare et était revenue sur le quai. Elle se dirigeait vers le buffet quand elle aperçut à travers les vitres éclairées du train, les employés des wagons-lits qui dressaient les couchettes dans un wagon à côté du nôtre. Elle songea tout à coup que son sac de nuit, dans lequel elle avait mis des bijoux, était resté ouvert et elle voulut immédiatement aller le fermer, non point qu’elle mît en doute la probité parfaite de ces honnêtes gens, mais par un geste de prudence tout naturel en voyage. Elle monta donc dans le wagon, se glissa dans le couloir et arriva à la portière du compartiment qu’elle s’était réservé, et dans lequel nous n’étions point entrés depuis notre départ de Paris. Elle ouvrit cette portière, et, aussitôt, elle poussa un horrible cri. Or ce cri ne fut pas entendu, car il n’était resté personne dans le wagon et un train passait dans ce moment, remplissant la gare de la clameur de sa locomotive. Qu’était-il donc arrivé ? Cette chose inouïe, affolante, monstrueuse. Dans le compartiment, la petite porte ouvrant sur le cabinet de toilette était à demi tirée à l’intérieur de ce compartiment, s’offrant de biais au regard de la personne qui entrait dans le compartiment. Cette petite porte était ornée d’une glace. Or, dans la glace, Mathilde venait d’apercevoir la figure de Larsan ! Elle se rejeta en arrière, appelant à son secours, et fuyant si précipitamment qu’en bondissant hors du wagon elle tomba à deux genoux sur le quai. Se relevant, elle arrivait enfin au buffet, dans l’état que je vous ai dit. Quand elle m’eut dit ces choses, mon premier soin fut de ne pas y croire, d’abord parce que je ne le voulais pas, l’événement étant trop horrible, ensuite parce que j’avais le devoir, sous peine de voir Mathilde redevenir folle, de faire celui qui n’y croyait pas ! Est-ce que Larsan n’était pas mort, et bien mort ?... En vérité, je le croyais comme je le lui disais, et il ne faisait point de doute pour moi qu’il n’y avait eu dans tout ceci qu’un effet de glace et d’imagination. Je voulus naturellement m’en assurer et je lui offris d’aller immédiatement avec elle dans son compartiment pour lui prouver qu’elle avait été victime d’une sorte d’hallucination. Elle s’y opposa, me criant que ni elle, ni moi, ne retournerions jamais dans ce compartiment et que, du reste, elle se refusait à voyager cette nuit ! Elle disait tout cela par petites phrases hachées... Elle ne retrouvait pas sa respiration... Elle me faisait une peine infinie... Plus je lui disais qu’une telle apparition était impossible, plus elle insistait sur sa réalité ! Je lui dis encore qu’elle avait bien peu vu Larsan lors du drame du Glandier, ce qui était vrai, et qu’elle ne connaissait pas assez cette figure-là pour être sûre de ne s’être point trouvée en face de l’image de quelqu’un qui lui ressemblait ! Elle me répondit qu’elle se rappelait parfaitement la figure de Larsan, que celle-ci lui était apparue dans deux circonstances telles qu’elle ne l’oublierait jamais, dût-elle vivre cent ans ! Une première fois, lors de l’affaire de la galerie inexplicable, et la seconde dans la minute même où, dans sa chambre, on était venu m’arrêter ! Et puis, maintenant qu’elle avait appris qui était Larsan, ce n’étaient point seulement les traits du policier qu’elle avait reconnus ; mais, derrière ceux-là, le type redoutable de l’homme qui n’avait cessé de la poursuivre depuis tant d’années !... Ah ! elle jurait sur sa tête et sur la mienne, qu’elle venait de voir Ballmeyer !... Que Ballmeyer était vivant !... vivant dans la glace, avec sa figure rase de Larsan, toute rase, toute rase... et son grand front dénudé !... Elle s’accrochait à moi comme si elle eût redouté une séparation plus terrible encore que les autres !... Elle m’avait entraîné sur le quai... Et puis, tout à coup, elle me quitta, en se mettant la main sur les yeux et elle se jeta dans le bureau du chef de gare... Celui-ci fut aussi effrayé que moi de voir l’état de la malheureuse. Je me disais : « Elle va redevenir folle ! » J’expliquai au chef de gare que ma femme avait eu peur, toute seule, dans son compartiment, que je le priais de veiller sur elle pendant que je me rendrais dans le compartiment moi-même pour tâcher de m’expliquer ce qui l’avait effrayée ainsi... Alors, mes amis, alors... continua Robert Darzac, je suis sorti du bureau du chef de gare, mais je n’en étais pas plutôt sorti que j’y rentrais, refermant sur nous la porte précipitamment. Je devais avoir une mine singulière, car le chef de gare me considéra avec une grande curiosité. C’est que, moi aussi, je venais de voir Larsan ! Non ! non ! ma femme n’avait pas rêvé tout éveillée... Larsan était là, dans la gare... sur le quai, derrière cette porte. » Ce disant, Robert Darzac se tut un instant comme si le souvenir de cette vision personnelle lui ôtait la force de continuer son récit. Il se passa la main sur le front, poussa un soupir, reprit : « Il y avait, devant la porte du chef de gare, un bec de gaz et, sous le bec de gaz, il y avait Larsan. Évidemment, il nous attendait, il nous guettait... et, chose extraordinaire, il ne se cachait pas ! Au contraire, on eût dit qu’il se tenait là, uniquement pour être vu !... Le geste qui m’avait fait refermer la porte devant cette apparition était purement instinctif. Quand je rouvris cette porte, décidé à aller droit au misérable, il avait disparu !... Le chef de gare croyait avoir affaire à deux fous. Mathilde me regardait agir sans prononcer une parole, les yeux grands ouverts, comme une somnambule. Elle revint à la réalité des choses pour s’enquérir s’il y avait loin de Bourg à Lyon et quel était le prochain train qui s’y rendait. En même temps, elle me priait de donner des ordres pour nos bagages ; et elle me demandait de lui accorder que nous irions rejoindre son père le plus tôt possible. Je ne voyais que ce moyen de la calmer et, loin de faire une objection quelconque à ce nouveau projet, j’entrai immédiatement dans ses vues. Du reste, maintenant que j’avais vu Larsan, de mes propres yeux, oui, oui, de mes propres yeux vu, je sentais bien que notre grand voyage était devenu impossible et, faut-il vous l’avouer, mon ami, ajouta M. Darzac en se tournant vers Rouletabille, je me pris à penser que nous courions désormais un réel danger, un de ces mystérieux et fantastiques dangers dont vous seul pouviez nous sauver, s’il en était temps encore. Mathilde me fut reconnaissante de la docilité avec laquelle je pris immédiatement toutes dispositions pour rejoindre sans plus tarder son père, et elle me remercia avec une grande effusion quand elle sut que nous allions pouvoir prendre quelques minutes plus tard – car tout ce drame avait à peine duré un quart d’heure – le train de neuf heures vingt-neuf, qui arrivait à Lyon à dix heures environ, et, en consultant l’indicateur des chemins de fer, nous constations que nous pouvions ainsi rejoindre à Lyon même M. Stangerson. Mathilde m’en marqua encore une grande gratitude, comme si j’avais été réellement responsable de cette heureuse coïncidence. Elle avait reconquis un peu de calme quand le train de neuf heures arriva en gare ; mais, au moment d’y prendre place, comme nous traversions rapidement le quai et que nous passions justement sous le bec de gaz où m’était apparu Larsan, je la sentis encore défaillir à mon bras et aussitôt, je regardai autour de nous, mais je n’aperçus aucune figure suspecte. Je lui demandai si elle avait encore vu quelque chose, mais elle ne me répondit pas. Son trouble cependant augmentait, et elle me supplia de ne point nous isoler mais d’entrer dans un compartiment déjà aux deux tiers plein de voyageurs. Sous prétexte d’aller surveiller mes bagages, je la quittai un instant au milieu de ces gens, et j’allai jeter au télégraphe la dépêche que vous avez reçue. Je ne lui ai point parlé de cette dépêche parce que je continuais à prétendre que ses yeux l’avaient certainement trompée, et parce que, pour rien au monde, je ne voulais paraître ajouter foi à une pareille résurrection. Du reste, je constatai, en ouvrant le sac de ma femme, qu’on n’avait pas touché à ses bijoux. Les rares paroles que nous échangeâmes concernèrent le secret que nous devions garder sur tout ceci vis-à-vis de M. Stangerson, qui en aurait conçu un chagrin peut-être mortel. Je passe sur la stupéfaction de celui-ci en nous découvrant sur le quai de la gare de Lyon. Mathilde lui raconta qu’à cause d’un grave accident de chemin de fer, barrant la ligne de Culoz, nous avions décidé, puisqu’il fallait nous résoudre à un détour, de le rejoindre, et d’aller passer quelques jours avec lui chez Arthur Rance et sa jeune femme, comme nous en avions été priés instamment, du reste, par ce fidèle ami de la famille. » ... À ce propos, il serait peut-être temps d’apprendre au lecteur, quitte à interrompre un instant le récit de M. Darzac, que M. Arthur William Rance qui, comme je l’ai rapporté dans Le Mystère de la Chambre Jaune, avait nourri pendant de si longues années un amour sans espoir pour Mlle Stangerson, y avait si bien renoncé, qu’il avait fini par convoler en justes noces avec une jeune Américaine qui ne rappelait en rien la mystérieuse fille de l’illustre professeur. Après le drame du Glandier, et pendant que Mlle Stangerson était encore retenue dans une maison de santé des environs de Paris, où elle achevait de se guérir, on apprit, un beau jour, que M. William Arthur Rance allait épouser la nièce d’un vieux géologue de l’Académie des sciences de Philadelphie. Ceux qui avaient connu sa malheureuse passion pour Mathilde et qui en avaient mesuré toute l’importance jusque dans les excès qu’elle détermina – elle avait pu faire, un moment, d’un homme, jusqu’à ce jour, sobre et de sens rassis, un alcoolique – ceux-là prétendirent que Rance se mariait par désespoir et n’augurèrent rien de bon d’une union aussi inattendue. On racontait que l’affaire, qui était bonne pour Arthur Rance, car Miss Edith Prescott était riche, s’était conclue d’une façon assez bizarre. Mais ce sont là des histoires que je vous raconterai quand j’aurai le temps. Vous apprendrez alors aussi par quelle suite de circonstances, les Rance étaient venus se fixer aux Rochers Rouges, dans l’antique château fort de la presqu’île d’Hercule dont ils s’étaient rendus, l’automne précédent, propriétaires. Mais, maintenant, il me faut rendre la parole à M. Darzac, continuant de raconter son étrange voyage. « Quand nous eûmes donné ces explications à M. Stangerson, narra notre ami, ma femme et moi vîmes bien que le professeur ne comprenait rien à ce que nous lui racontions et qu’au lieu de se réjouir de nous revoir il en était tout attristé. Mathilde essayait en vain de paraître gaie. Son père voyait bien qu’il s’était passé, depuis que nous l’avions quitté, quelque chose que nous lui cachions. Elle fit celle qui ne s’en apercevait pas et mit la conversation sur la cérémonie du matin. Ainsi vint-elle à parler de vous, mon ami (M Darzac s’adressait à Rouletabille), et alors, je saisis l’occasion de faire comprendre à M. Stangerson que, puisque vous ne saviez que faire de votre congé, dans le moment que nous allions nous trouver tous à Menton, vous seriez très touché d’une invitation qui vous permettrait de le passer parmi nous. Ce n’est pas la place qui manque aux Rochers Rouges, et Mr Arthur Rance et sa jeune femme ne demandent qu’à vous faire plaisir. Pendant que je parlais, Mathilde m’approuvait du regard et ma main qu’elle pressa avec une tendre effusion, me dit la joie que ma proposition lui causait. C’est ainsi qu’en arrivant à Valence je pus mettre au télégraphe la dépêche que M. Stangerson, à mon instigation, venait d’écrire et que vous avez certainement reçue. De toute la nuit, vous pensez bien que nous n’avons pas dormi. Pendant que son père reposait dans le compartiment à côté de nous, Mathilde avait ouvert mon sac et en avait tiré un revolver. Elle l’avait armé, me l’avait mis dans la poche de mon paletot et m’avait dit : « Si on nous attaque, vous nous défendrez ! » Ah ! quelle nuit, mon ami, quelle nuit nous avons passée !... Nous nous taisions, nous trompant mutuellement, faisant ceux qui sommeillaient, les paupières closes dans la lumière, car nous n’osions pas faire de l’ombre autour de nous. Les portières de notre compartiment fermées au verrou, nous redoutions encore de le voir apparaître. Quand un pas se faisait entendre dans le couloir, nos cœurs bondissaient. Il nous semblait reconnaître son pas... Et elle avait masqué la glace, de peur d’y voir surgir encore son visage !... Nous avait-il suivis ?... Avions-nous pu le tromper ?... Lui avions-nous échappé ?... Était-il remonté dans le train de Culoz ?... Pouvions-nous espérer cela ?... Quant à moi, je ne le pensais pas... Et elle ! elle !... Ah ! je la sentais, silencieuse et comme morte, là, dans son coin... Je la sentais affreusement désespérée, plus malheureuse encore que moi-même, à cause de tout le malheur qu’elle traînait derrière elle, comme une fatalité... J’aurais voulu la consoler, la réconforter, mais je ne trouvais point les mots qu’il fallait sans doute, car, aux premiers que je prononçai, elle me fit un signe désolé et je compris qu’il serait plus charitable de me taire. Alors, comme elle, je fermai les yeux... » Ainsi parla M. Robert Darzac, et ceci n’est point une relation approximative de son récit. Nous avions jugé, Rouletabille et moi, cette narration si importante que nous fûmes d’accord, à notre arrivée à Menton, pour la retracer aussi fidèlement que possible. Nous nous y employâmes tous les deux, et, notre texte à peu près arrêté, nous le soumîmes à M. Robert Darzac qui lui fit subir quelques modifications sans importance, à la suite de quoi il se trouva tel que je le rapporte ici. La nuit du voyage de M. Stangerson et de M. et Mme Darzac ne présenta aucun incident digne d’être noté. En gare de Menton-Garavan, ils trouvèrent Mr Arthur Rance, qui fut bien étonné de voir les nouveaux époux ; mais, quand il sut qu’ils avaient décidé de passer chez lui quelques jours, aux côtés de M. Stangerson, et d’accepter ainsi une invitation que M. Darzac, sous différents prétextes, avait jusqu’alors repoussée, il en marqua une parfaite satisfaction et déclara que sa femme en aurait une grande joie. Également, il se réjouit d’apprendre la prochaine arrivée de Rouletabille. Mr Arthur Rance n’avait pas été sans souffrir de l’extrême réserve avec laquelle, même depuis son mariage avec Miss Edith Prescott, M. Robert Darzac l’avait toujours traité. Lors de son dernier voyage à San Remo, le jeune professeur en Sorbonne s’était borné, en passant, à une visite au château d’Hercule, faite sur le ton le plus cérémonieux. Cependant, quand il était revenu en France, en gare de Menton-Garavan, la première station après la frontière, il avait été salué très cordialement, et gentiment complimenté sur sa meilleure mine par les Rance qui, avertis du retour de Darzac par les Stangerson, s’étaient empressés d’aller le surprendre au passage. En somme, il ne dépendait point d’Arthur Rance que ses rapports avec les Darzac devinssent excellents. Nous avons vu comment la réapparition de Larsan, en gare de Bourg, avait jeté bas tous les plans de voyage de M. et de Mme Darzac et aussi avait transformé leur état d’âme, leur faisant oublier leurs sentiments de retenue et de circonspection vis-à-vis de Rance, et les jetant, avec M. Stangerson, qui n’était averti de rien, bien qu’il commençât à se douter de quelque chose, chez des gens qui ne leur étaient point sympathiques, mais qu’ils considéraient comme honnêtes et loyaux et susceptibles de les défendre. En même temps, ils appelaient Rouletabille à leur secours. C’était une véritable panique. Elle grandit, d’une façon des plus visibles, chez M. Robert Darzac quand, arrivés en gare de Nice, nous fûmes rejoints par Mr Arthur Rance lui-même. Mais, avant qu’il nous rejoignît, il se passa un petit incident que je ne saurais passer sous silence. Aussitôt arrivés à Nice, j’avais sauté sur le quai et m’étais précipité au bureau de la gare pour demander s’il n’y avait point là une dépêche à mon nom. On me tendit le papier bleu et, sans l’ouvrir, je courus retrouver Rouletabille et M. Darzac. « Lisez », dis-je au jeune homme. Rouletabille ouvrit la dépêche, et lut : « Brignolles pas quitté Paris depuis 6 avril ; certitude. » Rouletabille me regarda et pouffa. « Ah çà ! fit-il. C’est vous qui avez demandé ce renseignement ? Qu’est-ce que vous avez donc cru ? – C’est à Dijon, répondis-je, assez vexé de l’attitude de Rouletabille, que l’idée m’est venue que Brignolles pouvait être pour quelque chose dans les malheurs que font prévoir les dépêches que vous aviez reçues. Et j’ai prié un de mes amis de bien vouloir me renseigner sur les faits et gestes de cet individu. J’étais très curieux de savoir s’il n’avait pas quitté Paris. – Eh bien, répondit Rouletabille, vous voilà renseigné. Vous ne pensez pourtant pas que les traits pâlots de votre Brignolles cachaient Larsan ressuscité ? – Ça, non ! » m’écriai-je, avec une entière mauvaise foi, car je me doutais que Rouletabille se moquait de moi. La vérité était que j’y avais bien pensé. « Vous n’en avez pas encore fini avec Brignolles ? me demanda tristement M. Darzac. C’est un pauvre homme, mais c’est un brave homme. – Je ne le crois pas », protestai-je. Et je me rejetai dans mon coin. D’une façon générale, je n’étais pas très heureux dans mes conceptions personnelles auprès de Rouletabille, qui s’en amusait souvent. Mais, cette fois, nous devions avoir, quelques jours plus tard, la preuve que, si Brignolles ne cachait point une nouvelle transformation de Larsan, il n’en était pas moins un misérable. Et, à ce propos, Rouletabille et M. Darzac, en rendant hommage à ma clairvoyance, me firent leurs excuses. Mais n’anticipons pas. Si j’ai parlé de cet incident, c’est aussi pour montrer combien l’idée d’un Larsan dissimulé sous quelque figure de notre entourage, que nous connaissions peu, me hantait. Dame ! Ballmeyer avait si souvent prouvé, à ce point de vue, son talent, je dirai même son génie, que je croyais être dans la note en me méfiant de toutes, de tous. Je devais comprendre bientôt – et l’arrivée inopinée de Mr Arthur Rance fut pour beaucoup dans la modification de mes idées – que Larsan avait, cette fois, changé de tactique. Loin de se dissimuler, le bandit s’exhibait maintenant, au moins à certains d’entre nous, avec une audace sans pareille. Qu’avait-il à craindre en ce pays ? Ce n’était ni M. Darzac, ni sa femme qui allaient le dénoncer ! Ni, par conséquent, leurs amis. Son ostentation semblait avoir pour but de ruiner le bonheur des deux époux qui croyaient être à jamais débarrassés de lui ! Mais, en ce cas-là, une objection s’élevait. Pourquoi cette vengeance ? N’eût-il pas été plus vengé en se montrant avant le mariage ? Il l’aurait empêché ! Oui, mais il fallait se montrer à Paris ! Encore pouvions-nous nous arrêter à cette pensée que le danger d’une telle manifestation à Paris eût pu faire réfléchir Larsan ? Qui oserait l’affirmer ? Mais écoutons Arthur Rance qui vient de nous rejoindre tous trois, dans notre compartiment. Arthur Rance, naturellement, ne sait rien de l’histoire de Bourg, rien de la réapparition de Larsan dans le train, et il vient nous apprendre une terrifiante nouvelle. Tout de même, si nous avons gardé, quelque espoir d’avoir perdu Larsan sur la ligne de Culoz, il va falloir y renoncer. Arthur Rance, lui aussi, vient de se trouver en face de Larsan ! Et il est venu nous avertir, avant notre arrivée là-bas, pour que nous puissions nous concerter sur la conduite à tenir. « Nous venions de vous conduire à la gare, rapporte Rance à Darzac. Le train parti, votre femme, M. Stangerson et moi étions descendus, en nous promenant, jusqu’à la jetée-promenade de Menton. M. Stangerson donnait le bras à Mme Darzac. Il lui parlait. Moi, je me trouvais à la droite de M. Stangerson qui, par conséquent, se tenait au milieu de nous. Tout à coup, comme nous nous arrêtions, à la sortie du jardin public, pour laisser passer un tramway, je me heurtai à un individu qui me dit : « Pardon, monsieur ! » et je tressaillis aussitôt, car j’avais entendu cette voix-là ; je levai la tête : c’était Larsan ! C’était la voix de la cour d’assises ! Il nous fixait tous les trois avec ses yeux calmes. Je ne sais point comment je pus retenir l’exclamation prête à jaillir de mes lèvres ! Le nom du misérable ! Comment je ne m’écriai point : « Larsan !... » J’entraînai rapidement M. Stangerson et sa fille qui, eux, n’avaient rien vu ; je leur fis faire le tour du kiosque de la musique, et les conduisis à une station de voitures. Sur le trottoir, debout, devant la station, je retrouvai Larsan. Je ne sais pas, je ne sais vraiment pas comment M. Stangerson et sa fille ne l’ont pas vu !... – Vous en êtes sûr ? interrogea anxieusement Robert Darzac. – Absolument sûr !... Je feignis un léger malaise ; nous montâmes en voiture et je dis au cocher de pousser son cheval. L’homme était toujours debout sur le trottoir nous fixant de son regard glacé, quand nous nous mîmes en route. – Et vous êtes sûr que ma femme ne l’a pas vu ? redemanda Darzac, de plus en plus agité. – Oh ! certain, vous dis-je... – Mon Dieu ! interrompit Rouletabille, si vous pensez, Monsieur Darzac, que vous puissiez abuser longtemps votre femme sur la réalité de la réapparition de Larsan, vous vous faites de bien grandes illusions. – Cependant, répliqua Darzac, dès la fin de notre voyage, l’idée d’une hallucination avait fait de grands progrès dans son esprit et en arrivant à Garavan, elle me paraissait presque calme. – En arrivant à Garavan ? fit Rouletabille, voilà, mon cher Monsieur Darzac, la dépêche que votre femme m’envoyait. » Et le reporter lui tendit le télégramme où il n’y avait que ces deux mots : « Au secours ! » Sur quoi, ce pauvre M. Darzac parut encore plus effondré. « Elle va redevenir folle ! » dit-il, en secouant lamentablement la tête. C’est ce que nous redoutions tous, et, chose singulière, quand nous arrivâmes enfin en gare de Menton-Garavan, et que nous y trouvâmes M. Stangerson et Mme Darzac, qui étaient sortis malgré la promesse formelle que le professeur avait faite à Arthur Rance, de rester avec sa fille aux Rochers Rouges jusqu’à son retour, pour des raisons qu’il devait lui dire plus tard et qu’il n’avait pas encore eu le temps d’inventer, c’est avec une phrase qui n’était que l’écho de notre terreur que Mme Darzac accueillit Joseph Rouletabille. Aussitôt qu’elle eut aperçu le jeune homme, elle courut à lui, et nous eûmes cette impression qu’elle se contraignait pour ne point, devant nous tous, le serrer dans ses bras. Je vis qu’elle s’accrochait à lui comme un naufragé s’agrippe à la main qui peut seule le sauver de l’abîme. Et je l’entendis qui murmurait : « Je sens que je redeviens folle ! » Quant à Rouletabille, je l’avais vu quelquefois aussi pâle, mais jamais d’apparence aussi froide.
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