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| 12. Le corps impossible
« Ce sera un grand malheur, si vous ne dites point la vérité, répliqua Rouletabille à voix basse ; mais il n’y aura point de malheur du tout si vous ne nous cachez rien. Allons, venez ! » Et il l’entraîna, lui tenant toujours le poignet, vers le Château Neuf, et je les suivis. À partir de ce moment, je retrouvai tout mon Rouletabille. Maintenant qu’il était si heureusement débarrassé d’un problème sentimental qui l’avait intéressé si personnellement, maintenant qu’il avait retrouvé le parfum de la Dame en noir, il reconquérait toutes les forces incroyables de son esprit pour la lutte entreprise contre le mystère ! Et jusqu’au jour où tout fut conclu, jusqu’à la minute suprême – la plus dramatique que j’aie vécu de ma vie, même aux côtés de Rouletabille – où la vie et la mort eurent parlé et se furent expliquées par sa bouche, il ne va plus avoir un geste d’hésitation dans la marche à suivre ; il ne prononcera plus un mot qui ne contribue nécessairement à nous sauver de l’épouvantable situation faite à l’assiégé par l’attaque de la Tour Carrée, dans la nuit du 12 au 13 avril. Bernier ne lui résista pas. D’autres voudront lui résister qu’il brisera et qui crieront grâce. Bernier marche devant nous, le front bas, tel un accusé qui va rendre compte à des juges. Et, quand nous sommes arrivés dans la chambre de Rouletabille, nous le faisons asseoir en face de nous ; j’ai allumé la lampe. Le jeune reporter ne dit pas un mot ; il regarde Bernier, en bourrant sa pipe ; il essaye évidemment de lire sur ce visage toute l’honnêteté qui s’y peut trouver. Puis son sourcil froncé s’allonge, son œil s’éclaire, et, ayant jeté vers le plafond quelques nuages de fumée, il dit : « Voyons, Bernier, comment l’ont-ils tué ? » Bernier secoua sa rude tête de gars picard. « J’ai juré de ne rien dire. Je n’en sais rien, monsieur ! Ma foi, je n’en sais rien !... » Rouletabille : « Eh bien, racontez-moi ce que vous ne savez pas ! Car si vous ne me racontez pas ce que vous ne savez pas, Bernier, je ne réponds plus de rien !... – Et de quoi donc, monsieur, ne répondez-vous plus ? – Mais, de votre sécurité, Bernier !... – De ma sécurité, à moi ?... Je n’ai rien fait ! – De notre sécurité à tous, de notre vie ! » répliqua Rouletabille en se levant et en faisant quelques pas dans la chambre, ce qui lui donna le temps de faire sans doute, mentalement, quelque opération algébrique nécessaire... « Alors, reprit-il, il était dans la Tour Carrée ? – Oui, fit la tête de Bernier. – Où ? Dans la chambre du vieux Bob ? – Non ! fit la tête de Bernier. – Caché chez vous, dans votre loge ? – Non, fit la tête de Bernier. – Ah çà ! mais où était-il donc ? Il n’était pourtant pas dans l’appartement de M. et Mme Darzac ? – Oui, fit la tête de Bernier. – Misérable ! » grinça Rouletabille. Et il sauta à la gorge de Bernier. Je courus au secours du concierge, et l’enlevai aux griffes de Rouletabille. Quand il put respirer : « Ah çà ! monsieur Rouletabille, pourquoi voulez-vous m’étrangler ? fit-il. – Vous le demander, Bernier ? Vous osez encore le demander ? Et vous avouez qu’il était dans l’appartement de M. et de Mme Darzac ! Et qui donc l’a introduit dans cet appartement, si ce n’est vous ? Vous qui, seul, en avez la clef quand M. et Mme Darzac ne sont pas là ? » Bernier se leva, très pâle : « C’est vous, monsieur Rouletabille, qui m’accusez d’être le complice de Larsan ? – Je vous défends de prononcer ce nom-là ! s’écria le reporter. Vous savez bien que Larsan est mort ! Et depuis longtemps !... – Depuis longtemps ! reprit Bernier, ironique... c’est vrai... j’ai eu tort de l’oublier ! Quand on se dévoue à ses maîtres, quand on se bat pour ses maîtres, il faut ignorer même contre qui. Je vous demande pardon ! – Écoutez-moi bien, Bernier, je vous connais et je vous estime. Vous êtes un brave homme. Aussi, ce n’est pas votre bonne foi que j’incrimine : c’est votre négligence. – Ma négligence ! Et, Bernier, de pâle qu’il était, devint écarlate. Ma négligence ! Je n’ai point bougé de ma loge, de mon couloir ! J’ai eu toujours la clef sur moi et je vous jure que personne n’est entré dans cet appartement, personne d’autre, après que vous l’avez eu visité, à cinq heures, que M. Robert et Mme Robert Darzac. Je ne compte point, naturellement, la visite que vous y avez faite, à six heures environ, vous et M. Sainclair ! – Ah çà ! reprit Rouletabille, vous ne me ferez point croire que cet individu – nous avons oublié son nom, n’est-ce pas, Bernier ? nous l’appellerons l’homme – que l’homme a été tué chez M. et Mme Darzac s’il n’y était pas ! – Non ! Aussi je puis vous affirmer qu’il y était ! – Oui, mais comment y était-il ? Voilà ce que je vous demande, Bernier. Et vous seul pouvez le dire, puisque vous seul aviez la clef en l’absence de M. Darzac, et que M. Darzac n’a point quitté sa chambre quand il avait la clef, et qu’on ne pouvait se cacher dans sa chambre pendant qu’il était là ! – Ah ! voilà bien le mystère, monsieur ! Et qui intrigue M. Darzac plus que tout ! Mais je n’ai pu lui répondre que ce que je vous réponds : voilà bien le mystère ! – Quand nous avons quitté la chambre de M. Darzac, M. Sainclair et moi, avec M. Darzac, à six heures un quart environ, vous avez fermé immédiatement la porte ? – Oui, monsieur. – Et quand l’avez-vous rouverte ? – Mais, cette nuit, une seule fois pour laisser entrer M. et Mme Darzac chez eux. M. Darzac venait d’arriver et Mme Darzac était depuis quelque temps dans le salon de M. Bob d’où venait de partir M. Sainclair. Ils se sont retrouvés dans le couloir et je leur ai ouvert la porte de leur appartement ! Voilà ! Aussitôt qu’ils ont été entrés, j’ai entendu qu’on repoussait les verrous. – Donc, entre six heures et quart et ce moment-là, vous n’avez pas ouvert la porte ? – Pas une seule fois. – Et où étiez-vous, pendant tout ce temps ? – Devant la porte de ma loge, surveillant la porte de l’appartement, et c’est là que ma femme et moi nous avons dîné, à six heures et demie, sur une petite table, dans le couloir, parce que, la porte de la tour étant ouverte, il faisait plus clair et que c’était plus gai. Après le dîner, je suis resté à fumer des cigarettes et à bavarder avec ma femme, sur le seuil de ma loge. Nous étions placés de façon que, même si nous l’avions voulu, nous n’aurions pas pu quitter des yeux la porte de l’appartement de M. Darzac. Ah ! c’est un mystère ! un mystère plus incroyable que le mystère de la Chambre Jaune ! Car, là-bas, on ne savait pas ce qui s’était passé avant. Mais, là, monsieur ! on sait ce qui s’est passé avant puisque vous avez vous-même visité l’appartement à cinq heures et qu’il n’y avait personne dedans ; on sait ce qui s’est passé pendant, puisque j’avais la clef dans ma poche, ou que M. Darzac était dans sa chambre, et qu’il aurait bien aperçu, tout de même, l’homme qui ouvrait sa porte et qui venait pour l’assassiner, et puis, encore que j’étais, moi, dans le couloir, devant cette porte et que j’aurais bien vu passer l’homme ; et on sait ce qui s’est passé après. Après, il n’y a pas eu d’après. Après, ça a été la mort de l’homme, ce qui prouvait bien que l’homme était là ! Ah ! C’est un mystère ! – Et, depuis cinq heures jusqu’au moment du drame, vous affirmez bien que vous n’avez pas quitté le couloir ? – Ma foi, oui ! – Vous en êtes sûr, insista Rouletabille. – Ah ! pardon, monsieur... il y a un moment... une minute où vous m’avez appelé... – C’est bien, Bernier. Je voulais savoir si vous vous rappeliez cette minute-là... – Mais ça n’a pas duré plus d’une minute ou deux, et M. Darzac était dans sa chambre. Il ne l’a pas quittée. Ah ! c’est un mystère !... – Comment savez-vous qu’il ne l’a pas quittée pendant ces deux minutes-là ? – Dame ! s’il l’avait quittée, ma femme qui était dans la loge l’aurait bien vu ! Et puis ça expliquerait tout et il ne serait pas si intrigué, ni madame non plus ! Ah ! il a fallu que je le lui répète : que personne d’autre n’était entré que lui à cinq heures et vous à six, et que personne n’était plus rentré dans la chambre avant sa rentrée, à lui, la nuit, avec Mme Darzac... Il était comme vous, il ne voulait pas me croire. Je le lui ai juré sur le cadavre qui était là ! – Où était-il, le cadavre ? – Dans sa chambre. – C’était bien un cadavre ? – Oh ! il respirait encore !... Je l’entendais ! – Alors, ça n’était pas un cadavre, père Bernier. – Oh ! monsieur Rouletabille, c’était tout comme. Pensez donc ! Il avait un coup de revolver dans le cœur ! » Enfin, le père Bernier allait nous parler du cadavre. L’avait-il vu ? Comment était-il ? On eût dit que ceci apparaissait comme secondaire aux yeux de Rouletabille. Le reporter ne semblait préoccupé que du problème de savoir comment le cadavre se trouvait là ! Comment cet homme était-il venu se faire tuer ? Seulement, de ce côté, le père Bernier savait peu de choses. L’affaire avait été rapide comme un coup de feu – lui semblait-il – et il était derrière la porte. Il nous raconta qu’il s’en allait tout doucement dans sa loge et qu’il se disposait à se mettre au lit, quand la mère Bernier et lui entendirent un si grand bruit venant de l’appartement de Darzac qu’ils en restèrent saisis. C’étaient des meubles qu’on bousculait, des coups dans le mur. « Qu’est-ce qui se passe ? » fit la bonne femme, et aussitôt, on entendit la voix de Mme Darzac qui appelait : « Au secours ! » Ce cri-là, nous ne l’avions pas entendu, nous autres, dans la chambre du Château Neuf. Le père Bernier, pendant que sa femme s’affalait, épouvantée, courut à la porte de la chambre de M. Darzac et la secoua en vain, criant qu’on lui ouvrît. La lutte continuait de l’autre côté, sur le plancher. Il entendit le halètement de deux hommes, et il reconnut la voix de Larsan, à un moment où ces mots furent prononcés : « Ce coup-ci, j’aurai ta peau ! » Puis il entendit M. Darzac qui appelait sa femme à son secours d’une voix étouffée, épuisée : « Mathilde ! Mathilde ! » Évidemment, il devait avoir le dessous dans un corps-à-corps avec Larsan quand, tout à coup, le coup de feu le sauva. Ce coup de revolver effraya moins le père Bernier que le cri qui l’accompagna. On eût pu penser que Mme Darzac, qui avait poussé le cri, avait été mortellement frappée. Bernier ne s’expliquait point cela : l’attitude de Mme Darzac. Pourquoi n’ouvrait-elle point au secours qu’il lui apportait ? Pourquoi ne tirait-elle pas les verrous ? Enfin, presque aussitôt après le coup de revolver, la porte sur laquelle le père Bernier n’avait cessé de frapper s’était ouverte. La chambre était plongée dans l’obscurité, ce qui n’étonna point le père Bernier, car la lumière de la bougie qu’il avait aperçue sous la porte, pendant la lutte, s’était brusquement éteinte et il avait entendu en même temps le bougeoir qui roulait par terre. C’était Mme Darzac qui lui avait ouvert pendant que l’ombre de M. Darzac était penchée sur un râle, sur quelqu’un qui se mourait ! Bernier avait appelé sa femme pour qu’elle apportât de la lumière, mais Mme Darzac s’était écriée : « Non ! non ! pas de lumière ! pas de lumière ! Et surtout qu’il ne sache rien ! » Et, aussitôt, elle avait couru à la porte de la tour en criant : « Il vient ! il vient ! je l’entends ! Ouvrez la porte ! ouvrez la porte, père Bernier ! Je vais le recevoir ! » Et le père Bernier lui avait ouvert la porte, pendant qu’elle répétait, en gémissant : « Cachez-vous ! Allez-vous-en ! Qu’il ne sache rien ! » Le père Bernier continuait : « Vous êtes arrivé comme une trombe, monsieur Rouletabille. Et elle vous a entraîné dans le salon du vieux Bob. Vous n’avez rien vu. Moi, j’étais retenu auprès de M. Darzac. L’homme, sur le plancher, avait fini de râler. M. Darzac, toujours penché sur lui, m’avait dit : « Un sac, Bernier, un sac et une pierre, et on le fiche à la mer, et on n’en entend plus parler ! » – Alors, continua Bernier, j’ai pensé à mon sac de pommes de terre ; ma femme avait remis les pommes de terre dans le sac ; je l’ai vidé à mon tour et je l’ai apporté. Ah ! nous faisions le moins de bruit possible. Pendant ce temps-là, madame vous racontait des histoires sans doute, dans le salon du vieux Bob et nous entendions M. Sainclair qui interrogeait ma femme dans la loge. Nous, en douceur, nous avons glissé le cadavre, que M. Darzac avait proprement ficelé, dans le sac. Mais j’avais dit à M. Darzac : « Un conseil, ne le jetez pas à l’eau. Elle n’est pas assez profonde pour le cacher. Il y a des jours où la mer est si claire qu’on en voit le fond. – Qu’est-ce que je vais en faire ? » a demandé M. Darzac à voix basse. Je lui ai répondu : « Ma foi, je n’en sais rien, monsieur. Tout ce que je pouvais faire pour vous, et pour madame, et pour l’humanité, contre un bandit comme Frédéric Larsan, je l’ai fait. Mais ne m’en demandez pas davantage et que Dieu vous protège ! » Et je suis sorti de la chambre, et je vous ai retrouvé dans la loge, monsieur Sainclair. Et puis, vous avez rejoint M. Rouletabille, sur la prière de M. Darzac qui était sorti de sa chambre. Quant à ma femme, elle s’est presque évanouie quand elle a vu tout à coup que M. Darzac était plein de sang... et moi aussi !... Tenez, messieurs, mes mains sont rouges ! Ah ! pourvu que tout ça ne nous porte pas malheur ! Enfin, nous avons fait notre devoir ! Et c’était un fier bandit !... Mais, voulez-vous que je vous dise ?... Eh bien, on ne pourra jamais cacher une histoire pareille... et on ferait mieux de la raconter tout de suite à la justice... J’ai promis de me taire et je me tairai, tant que je pourrai, mais je suis bien content tout de même de me décharger d’un pareil poids devant vous, qui êtes des amis à madame et à monsieur... Et qui pouvez peut-être leur faire entendre raison... Pourquoi qu’ils se cachent ? C’est-y pas un honneur de tuer un Larsan ! Pardon d’avoir encore prononcé ce nom-là... je sais bien, il n’est pas propre... C’est-y pas un honneur d’en avoir délivré la terre en s’en délivrant soi-même ? Ah ! tenez !... une fortune !... Mme Darzac m’a promis une fortune si je me taisais ! Qu’est-ce que j’en ferais ?... C’est-y pas la meilleure fortune de la servir, cette pauv’dame-là qu’a eu tant de malheurs !... Tenez !... Rien du tout !... rien du tout !... Mais qu’elle parle !... Qu’est-ce qu’elle craint ? Je le lui ai demandé quand vous êtes allés soi-disant vous coucher, et que nous nous sommes retrouvés tout seuls dans la Tour Carrée avec notre cadavre. Je lui ai dit : « Criez donc que vous l’avez tué ! Tout le monde fera bravo !... » Elle m’a répondu : « Il y a eu déjà trop de scandale, Bernier ; tant que cela dépendra de moi, et si c’est possible, on cachera cette nouvelle affaire ! Mon père en mourrait ! » Je ne lui ai rien répondu, mais j’en avais bien envie. J’avais sur la langue de lui dire : « Si on apprend l’affaire plus tard, on croira à des tas de choses injustes, et monsieur votre père en mourra bien davantage ! » Mais c’était son idée ! Elle veut qu’on se taise ! Eh bien, on se taira !... Suffit ! » Bernier se dirigea vers la porte et nous montrant ses mains : « Il faut que j’aille me débarbouiller de tout le sang de ce cochon-là ! » Rouletabille l’arrêta : « Et qu’est-ce que disait M. Darzac pendant ce temps-là ? Quel était son avis ? – Il répétait : « Tout ce que fera Mme Darzac sera bien fait. Il faut lui obéir, Bernier. » Son veston était arraché et il avait une légère blessure à la gorge, mais il ne s’en occupait pas, et, au fond, il n’y avait qu’une chose qui l’intéressait, c’était la façon dont le misérable avait pu s’introduire chez lui ! ça, je vous le répète, il n’en revenait pas et j’ai dû lui donner encore des explications. Ses premières paroles, à ce sujet, avaient été pour dire : « Mais enfin, quand je suis entré, tantôt, dans ma chambre, il n’y avait personne, et j’ai aussitôt fermé ma porte au verrou. » – Où cela se passait-il ? – Dans ma loge, devant ma femme, qui en était comme abrutie, la pauvre chère femme. – Et le cadavre ? Où était-il ? – Il était resté dans la chambre de M. Darzac. – Et qu’est-ce qu’ils avaient décidé pour s’en débarrasser ? – Je n’en sais trop rien, mais, pour sûr, leur résolution était prise, car Mme Darzac me dit : « Bernier, je vous demanderai un dernier service ; vous allez aller chercher la charrette anglaise à l’écurie, et vous y attellerez Toby. Ne réveillez pas Walter, si c’est possible. Si vous le réveillez, et s’il vous demande des explications, vous lui direz ainsi qu’à Mattoni qui est de garde sous la poterne : « C’est pour M. Darzac, qui doit se trouver ce matin à quatre heures à Castelar pour la tournée des Alpes. » Mme Darzac m’a dit aussi : « Si vous rencontrez M. Sainclair, ne lui dites rien, mais amenez-le-moi, et si vous rencontrez M. Rouletabille, ne dites rien, et ne faites rien ! » Ah ! monsieur ! madame n’a voulu que je sorte que lorsque la fenêtre de votre chambre a été fermée et que votre lumière a été éteinte. Et, cependant, nous n’étions point rassurés avec le cadavre que nous croyions mort et qui se reprit, une fois encore, à soupirer, et quel soupir ! Le reste, monsieur, vous l’avez vu, et vous en savez maintenant autant que moi ! Que Dieu nous garde ! » Quand Bernier eut ainsi raconté l’impossible drame, Rouletabille le remercia, avec sincérité, de son grand dévouement à ses maîtres, lui recommanda la plus grande discrétion, le pria de l’excuser de sa brutalité, et lui ordonna de ne rien dire de l’interrogatoire qu’il venait de subir à Mme Darzac. Bernier, avant de s’en aller, voulut lui serrer la main, mais Rouletabille retira la sienne. « Non ! Bernier, vous êtes encore tout plein de sang... » Bernier nous quitta pour aller rejoindre la Dame en noir. « Eh bien ! fis-je, quand nous fûmes seuls. Larsan est mort ?... – Oui, me répliqua-t-il, je le crains. – Vous le craignez ? Pourquoi le craignez-vous ?... – Parce que, fit-il d’une voix blanche que je ne lui connaissais pas encore, parce que la mort de Larsan, lequel sort mort sans être entré ni mort ni vivant, m’épouvante plus que sa vie ! »
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